lundi, juillet 18, 2005

Comment sauver la mer avec un peu de fer



A 250 miles nautiques au sud-ouest des Galapagos, dans l'océan Pacifique, il existe une zone sombre, sans vie, que les cartographes du 19ème siècle appellaient la Zone Désolée. Cette zone est sans vie parce que elle est très pauvre en phytoplancton, cette minuscule algue qui flotte à la surface des océans, et qui réalise 50% de la photosynthèse du globe terrestre !

L'énigme vient du fait que cette zone est riche en éléments nutritifs pour la vie végétale (phosphore, azote, silicium), mais pauvre en phytoplancton. C'est une configuration que les scientifiques appellent HNLC (High Nutrient / Low Chlorophyl). 20% des océans du mondes sont HNLC et personne ne sait pourquoi.

En 1989, l'océanographe John Martin publia dans Nature une théorie étonnante : son hypothèse est que il manque un élément primordial dans les zones HNLC : le fer ! Les plantes ont besoin de petite quantités fer pour produire de la chlorophyle, et dans l'eau des zones HNLC, il n'a pas de fer, et donc le phytoplancton est anémique. Il a dit que, si on saupoudre du fer dans ces zones, le phytoplacton va se développer massivement.

De ce fait, il pense qu'on pourrait fixer des millions de tonnes de CO2. En effet, les algues mortes tombent au fond de l'océan, où le carbone demeure piégé. C'est donc potentiellement un moyen de stopper le réchauffement climatique dû à l'effet de serre !

"Donnez-moi un demi cargo de fer, et je vous donne la prochaine ère glaciaire !" a-t-il dit en rigolant.

John Martin est mort en 1993, à l'age de 56 ans, quelques mois avant que la mission océanographique qu'il avait planifiée, IronEx 1, soit lancée pour tester l'influence du fer dans la Zone Désolée. Les résultats furent mitigés. IronEx 1 produisit 4 fois moins de biomasse que John Martin avait prévu.

Mais en 1995, IronEx 2, conduit par Kenneth Coale, déposèrent les 500 kilos de fer en trois fois au lieu de le balancer en une seule fois. Cette fois-ci, la mer morte se mit à vivre furieusement. Dès le lendemain, les eaux de la HNLC étaient devenues vertes. Les poissons furent attirés par ces verts pâturages marins, en en quelques jours, les requins et les tortues arrivèrent en masse sur les lieux. Au bout de 15 jours, IronEx 2 avait produit une biomasse équivalente à 100 séquoias adultes, ce qui les firent évoquer "une explosion de phytoplancton de proportions bibliques". Ils ont calculés que 500 kilos de fer avaient retiré de l'atmosphère 2500 tonnes de CO2.

Suite à ce résultat extraordinaire, Michael Markels a fondé une compagnie, Ocean Farming Inc. dans le but d'exploiter ce savoir-faire.

Et en 2002, la Planktos Foundation a lancé l'expédition Planktos Iron Ex. 1 pour poursuivre les travaux de John Martin.

Pour en savoir plus :
1. John Martin (1935-1993) (earth observatory)
2. Dumping Iron (wired)
3. Regulation and Ocean Farming (regulationmagazine)
4. The Effect of Iron on Plankton Use of CO2 (Michigan State University)
5. The iron hypothesis: Basic research meets environmental policy (American Geophysical Union)
6. Testing the iron hypothesis in ecosystems of the equatorial Pacific Ocean (Nature)
7. Past Research Cruises (Moss Landing Marine Laboratories)
8. Iron Enrichment Experiment (IRONEX) 1993 (U.S. Navy)
9. The Planktos Foundation

Crédit photo : T.P. Stanton

8 Comments:

Blogger Jack said...

Et pourquoi, certains endroits de l'océan manquent-ils de fer ?
Les courants crairaient-ils "des îles d'eau" en quelque sorte...
Mais pourquoi ne manque-t-il que du fer, quelque chose doit l'avoir localement absorbé ou précipité au fond ?

Cette expérience est épatente!

lundi, 18 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

Bon, ben c'est parfait ! Voilà la solution au réchauffement de la planête. Donc, quand je pollue avec les gaz d'échappement de ma bagnole, c'est pas grave si, après disons 250 000 km, je dumpe sa carcasse pourrie dans la mer pour générer du phytoplancton qui va bouffer tout le CO2 que j'ai dégagé... C'est idiot, d'avoir interdit de balancer sa vielle bagnole dans la mer... Dorénavant, il faudra encourager ce geste civique !

lundi, 18 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

Plus sérieusement, réchauffement de la planète ou pas, il semble avéré que le taux de CO2 dans l'atmosphère a augmenté de façon significative depuis l'ère industrielle (d’ailleurs, c'est peut-être grâce à cela qu'on bénéficie actuellement d'un climat plutôt doux, sinon, ça caillerait sec). Donc, l'idée de donner un coup de pouce à la mer qui est le principal puits de CO2, ça ne me paraît pas complètement idiot, sous réserve que la manip soit économiquement viable par rapport à un éventuel autre procédé... Mais ça fait un peu apprenti sorcier, ce procédé : quid des effets secondaires ? Et puis, attention au dosage : il ne faudrait pas que ça bouffe tout le CO2 !

lundi, 18 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

Je lis dans un document de Planktos :

"Kyoto meeting participants ignore obvious Global Warming solutions"

Evidemment ! Kyoto n'est pas vraiment là pour enlever du CO2 : son objet est d'organiser un mécanisme qui contraint les pays riches (USA) de donner de l'argent aux pays pauvres. Planktos est donc complètement hors sujet ! Circulez, il n'y a rien à voir...

lundi, 18 juillet, 2005  
Blogger Luc said...

@ genorb : Je rappelle quand même que, pour éliminer ces 2500 tonnes de CO2, il n'aura fallu que 0,5 tonnes de poudre de fer... Et que ce n'était qu'une toute deuxième expérience. :-)

mercredi, 20 juillet, 2005  
Blogger Luc said...

@ genorb : T'as raison, ça mérite qu'on creuse la question. Le potentiel, je l'ai dit dans la note, c'est 20% des océans du mondes qui sont HNLC. Donc, je pense, il y a de quoi faire, non ?

Sujet à creuser et à affiner. (pour une fois que j'avais une bonne nouvelle ...)

mercredi, 20 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

genorb <-- Brillante démonstration... Bon allez, stockez toutes vos boites de conserves pour quand vous viendrez à la mer !

Mais, plus sérieusement, c'est pas tout à fait idiot, cette histoire ! Et de balancer 540 000 tonnes de ferraille dans la mer n'est sans doute pas impossible...

A mon avis, une fois que c'est "ensemencé", il suffit de maintenir la concentration en fer pour que ça continue d'année en année...

Mais attention aux effets secondaires et inattendus (revoir "Mickey apprenti sorcier" à ce sujet). Si on enlève trop de CO2, ça va cailler sec ! Il faudra que je troques mes palmes pour des patins à glace !

jeudi, 21 juillet, 2005  
Blogger Luc said...

Dans les effets secondaire speut-être problèmatiques, il y a peut-être le pH de l'eau des océans. On risque de se retrouver avec un pH trop acide ...

@genorb : super !
Pour mettre un lien dans les commentaires, il faut le faire en html.

Voici donc la liste de tes liens :
1. UN MONDE SANS FRONTIERES (Jussieu)
2. États-Unis d'Amérique (Wikipédia)
3. Iron Enrichment Experiment (IRONEX) 1993
4. The Effect of Iron on Plankton Use of CO2
5. Ocean Iron Fertilization - Experiments to date (2003) (bbm.me.uk)
6. Minerai de fer / Acier (CNUCED)
7. Final Report Iron Fertilization

jeudi, 21 juillet, 2005  

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